Vilain petit canard
Les MacFarland sont tous roux, de Myrabilis à Bergamote. Tous tachetés des joues aux épaules. Tous, sauf Patchouli. Sa blondeur terne dénote un peu trop clairement dans cette famille poil de carotte. Bien loin de s’en soucier, on trouve plutôt cela amusant chez eux. Cible parfaite, ses frères et soeurs ne se gênent pas pour lui faire remarquer sa différence au quotidien, mais Patchouli ne s’en offusque pas.
Du haut de ses 22 ans, la jeune femme peine à faire son âge. Ses traits enfantins s’accrochent inlassablement à son visage, ce qui l’agace, fatiguée d’être prise pour une gamine. Sa taille aussi porte à confusion. N’atteignant même pas la barre des 1m60, la lilliputienne n’inspire ni la crainte, ni le respect.

Cette silhouette toute menue a de quoi surprendre quand on remarque l’énorme sac qu’elle trimbale partout avec elle. En véritable couteau suisse, elle embarque un tas de babioles qu’elle juge nécessaire. D’ustensiles de cuisine au kit du parfait explorateur, son gigantesque fourre-tout ne la quitte jamais.
On remarque aussi qu’elle ne se sépare que rarement de son sceptre ou de ses bijoux. Un cadeau de celui qu’elle appelle tendrement Oncle Mel. Confectionné avec soin par celui-ci à l’aide de cristaux tout droit apporté d’In’Gorh, cette oeuvre unique reflète, non seulement les rayons du soleil, mais également le savoir faire Nain. A sa ceinture demeure un poignard dont elle ne se sert que pour éplucher fruits et légumes.

Ça envoie du pâté!
Patchouli est - entre-autre - la personnification de l’expression: faire de son mieux. Grandir à la ferme, c’est apprendre à savoir mettre la main à la pâte. La mère MacFarland s'exaspérait bien souvent d’avoir une enfant aussi empotée. Sa bonne volonté comblait cependant sa maladresse et elle ne rechignait jamais à travailler deux fois plus que le reste. La terre n’a plus de secret pour Patchouli, mais c’est bien le seul domaine dans lequel elle brille…
Annalphabête, la jeune femme ne sait ni lire, ni écrire. Un handicape majeur qui la rend certainement encore plus naïve qu’elle ne l’est déjà. En effet, elle est de ces êtres qui ne voient que le bon présent en chacun. On la dit simplette, gentille et brave. Des adjectifs qu’elle reçoit comme des compliments, incapable d’en saisir la subtilité bien plus mesquine. Aisément manipulable, elle pourrait suivre n’importe qui et défendre n’importe quelle cause dont l’énoncé lui semble juste.

Patchouli est très moyenne dans tout ce qu’elle fait, y compris dans sa magie. Elle ne deviendra probablement jamais un grand mage et n'accomplira sans doute rien d’incroyable, mais elle s’en donne tout de même les moyens! La haine qu’elle porte aux injustices s'immisce dans chacune de ses décisions. Son âme de justicière la pousse à agir avant de réfléchir. Résultat, elle se met sans cesse en danger pour sauver chaque veuve et chaque orphelin.
Autre chose, comme le reste des MacFarland, elle a hérité d’un appétit d’ogre et malheur à ceux qui s’en prendraient à sa nourriture.

Patchouli n’est pas la fille biologique du couple MacFarland. Elle a été déposé à leur porte un soir. S’ils ont accepté d’en prendre soin et de l’élever comme leur propre fille, c’est surtout parce qu’elle représentait une paire de mimines supplémentaire à la ferme. Son éducation - comme celle de ses frères et soeurs - passa à la trappe au profit de son dur labeur.

Pendant tout ce temps à travailler la terre, Patchouli cultive, non seulement des tomates, mais également un rêve. Celui de voir de ses propres yeux la fameuse grotte aux cristaux des récits d’Oncle Mel. Ce forgeron de la place centrale de Froide Vigne, dont elle s’est prise d’affection depuis son enfance, le jour où elle s’est égarée - oui, ça lui arrive souvent de se perdre… - dans cette même place. La petiote, comme il l’appelle encore aujourd’hui, était apparue dans sa forge et l’observait comme hypnotisée, tantôt par son bras manquant, tantôt par son oeil manquant. Melchior était en pièce, la guerre ne l’avait pas raté et si les autres enfants trouvaient sa trombine effrayante, elle fascinait complètement Patchouli. Pour une fois qu’on ne cherchait pas à blesser sa fierté de Nain, l’homme s’attendrit un peu plus à chacune des visites de la petite que sa femme surnommait désormais Patty.
C’est pour réaliser ce rêve qu’elle a quitté la ferme et sa famille, mais aussi Oncle Mel, en lui faisant la promesse de lui ramener la plus belle gemme qui soit.

Sauf qu’il semblerait bien, que lire une carte soit encore plus compliqué que lire tout court...

Quelque part en Sarathalan
« C’est vraiment très sympa d’vot’ part d’avoir accepté qu’j’vous accompagne, dites! » Jamais, ô grand JAMAIS, Patchouli ne se serait doutée qu’elle avait remercié ainsi, une bande de pilleurs dépourvus d'honneur. Les trois hommes avaient trouvé cette andouille toute seule, perdue dans le désert, prise d’assaut par un gang de salamandres voraces qui en voulaient à ses réserves. Incroyablement crédule, elle s’est de suite attachée à ce trio cagoulé qui venait de sauver son prochain repas. Bien évidemment, à cent lieux d’imaginer qu’ils puissent être porteur de mauvaises intentions. Ils l’auraient sans doute abandonné bien plus rapidement si elle ne s’était pas mise à scintiller en pleine nuit pour les alerter d’une tempête de sable.

Sur l’un des flans d’Al’Kha’Tib, se dresse un gigantesque canyon. C’est en le traversant qu’ils comptaient s’y rendre. A force de fantasmer sur le goût des spécialités locales, le ventre de Patchouli ne faisait que geindre sur le chemin. Elle visualisait déjà parfaitement les nombreuses étales de poissons frais, les fruits encore inconnus, tous plus alléchants les uns que les autres, l’odeur des épices venir chatouiller ses narines...Ah, elle a si faim et la route est si longue, le soleil brille si fort et...Les gens sont si bruyants.

« Qu’est-ce que… »
En contrebas, sur le chemin principal, une troupe de gobelin se presse vers une silhouette, visiblement en détresse. Patchouli tourne vivement la tête vers ses comparses qui n’ont pas l’air d’avoir envie de descendre.
« Ahlala, y’en a qui ont vraiment la poisse. » « Mais, on ne va pas l’aider? » Ils s'esclaffent et l’un deux passe un bras autour de ses épaules en pointant du doigt l’arrière de la horde. Un énorme gobelin prend place au milieu des autres, écrasants même l’un de ses semblables au passage. « Je ne sais pas toi fillette, mais personnellement, j’n’ai pas très envie de m’y frotter. » « Mais… » Les trois hommes s’éloignent et l’un deux se retourne en comprenant qu’elle ne suit plus. « Magne-toi, ils vont finir par te remarquer! » « Mais, on ne peut pas laisser cette personne toute seule! Il faut qu’on l’aide! » « Peu importe, fait donc c’qu’il t'chante, moi je ne mourrai pas aujourd’hui! » Et le voilà qui se met à courir pour rejoindre les autres. « Attendez! A nous tous on pourrait...les repousser... » La fin de sa phrase se perd dans le vide, sans plus personne pour l’entendre.

Elle refit face à l'attroupement quelques mètres plus bas, hésitante et le corps tremblant. « Aller Patchouli! Tu peux le faire! » C’est en hurlant à plein poumons « JE PEUX LE FAIRE! » Qu’elle dévala la pente - en manquant de se rétamer à plusieurs reprises - et se rua à leur rencontre, ordonnant à la victime de fermer les yeux avant de brandir son sceptre en direction de la masse malodorante. Un flash de lumière aveuglant réussit à instaurer la confusion et elle en profita pour attraper la main qu’elle était bien décidé à sauver.
Après une course effrénée à travers le canyon, ils réussirent à semer leurs chasseurs et se remettre de leurs émotions. « J’ai bien cru qu’on allait y rester! » Elle ne pouvait s’empêcher de sourire malgré la tournure tragique qu’aurait pu prendre ce sauvetage. Après s’être assurée que tout allait bien, elle s’empressa de prendre congé, prétextant devoir rejoindre ses amis au plus vite avant qu’ils ne s’inquiètent de sa disparition…

Enfin, ça c’était avant de se rendre compte qu’elle n’avait plus la moindre idée de comment rejoindre la ville à présent. C’est pour la remercier qu’on la guida jusqu’aux portes et elle offrit le double des remerciements en retour!

Al’Kha’Tib
Patchouli n’en revenait pas d’être enfin arrivée à destination. Les deux pieds dans la ville, elle se réconforte de retrouver la civilisation. Voyager, ça lui plaît, c’est certain, mais les escales n’étaient pas à négliger. Si elle n’était pas si déterminée à chercher son groupe, elle se serait arrêtée plus d’une fois pour faire son marché. Son ventre lui, n’appréciait vraiment pas son sens des priorités...

C’est dans une taverne qu’elle les trouve, attablés autour d’un joyeux festin. D’abord étonnés de la voir en vie, ils n’hésitent pas longtemps avant de la mêler à leurs sournoises fourberies. « Pourquoi est-ce qu’on doit lui confisquer ses bijoux déjà? » « Souviens-toi, on en a déjà discuté! Ils sont maudits. Si on ne les lui retire pas...Le pauvre, qui sait ce qu’il pourrait lui arriver. » « Ah! Oui, c’est vrai! Les bijoux maudits! » Oui, elle a gobé cette histoire et la voilà bien décidée à débarrasser ce noble de ses parures.
Pièce centrale du plan établi, Patchouli allait devoir se glisser dans la peau d’une danseuse le soir même, pour distraire leur pigeon. Déjà prête, un peu gênée dans sa tenue, on lui tapotait l’épaule de manière encourageante. « T’en fais pas fillette, tout va bien se passer! On sera pas loin! Mais n’ouvre pas la bouche, t’as compris? Surtout ne dit rien. » Elle acquiesça d’un hochement de tête, pensant qu’il était peut-être déjà utile de suivre les instructions.

Poussée brusquement dans la pièce, elle tituba un peu avant de se redresser aussitôt en croisant le regard sombre et animal qui la dévisageait. L’heure était venue d’exposer ses talents de danseuse. Seule tache au tableau, Patchouli n’a aucun talent pour la danse justement. Heureusement pour elle, on ne semblait pas lui en tenir rigueur, au contraire, son public avait l’air de trouver cela charmant. La musique s’acheva et le Rajul bedonnant vint à sa rencontre, visiblement très curieux d’en savoir plus sur cette étrangère palote. La situation devenait vraiment inconfortable au gré de ses avances à peine dissimulées.
Soudain, ils furent interrompus par l’agitation d’un troisième protagoniste qui surgit dans la pièce saisit d’une certaine urgence. On avait pillé le coffre fort! Instinctivement, le propriétaire des lieux fît le lien avec cette soit-disante danseuse qui possédait deux pieds gauches. Une prestation gratuite, tout cela sonnait beaucoup trop beau et tout était clair à présent, on l’avait roulé dans la farine! « Emmènes la! » « Hein?? » Complètement paniquée, Patchouli chercha du regard l’un de ses compagnons de route. Ils avaient promis de rester près d’elle! Peut-être s’étaient-ils fait attraper eux aussi, ou pire? Oh non, les pauvres…

« Qu’est-ce que je vais faire maintenant, je suis coincée ici... » Agenouillée dans sa cellule, la jeune femme soupirait, dépitée par ce qui venait de lui arriver. « Non! Patchouli, te laisse pas abattre comme ça! Aller! Y’a forcément un moyen de sortir de ce trou! » Recouvrant ses forces, elle se leva et se jeta sur les barreaux pour tirer dessus, dans tous les sens, en gémissant dans l’effort. C’était tellement difficile et ils n’avaient vraiment pas l’air de bouger. « Ugh...Nan, ça sert à rien... » Elle abandonna sa joue contre le fer froid, le moment que choisit son ventre pour se manifester.
« Eh beh, en v’là un son gracieux. » « C’est pas ma faute! Je meurs de faim... » L’ampoule dans sa tête se mit à clignoter. « Y’a quelqu’un? Je ne vous vois pas, où êtes vous? » Son regard explora le couloir face à elle, mais rien. « Il semblerait que nous soyons voisins. J’m’en veux un peu d’avoir ouvert la bouche, c’était assez drôle de t’écouter parler toute seule. » « Est-ce que vous pouvez m’aider à sortir d’ici? Mes amis m’attendent, ils vont s’inquiéter si je ne les rejoins pas au plus vite! » « Clairement, j’serais plus là depuis longtemps si j’savais comment. » Encore une occasion ratée de se taire Patchouli. « Crois-moi, t’es “amis” ne t’attendent pas. » « Qu- Pourquoi dites vous cela? Vous ne les connaissez même pas! » « Haha. Evidemment que je les connais. Tout le monde à Al’Kha’Tib les connaît. Ils ont des avis de recherches dans toute la ville. » Des avis de recherches? Patchouli se creuse la tête. C’est vrai qu’il y a bien ces portraits d’eux sur les murs, mais ce n’était qu’une preuve de leur notoriété...Non? Après tout, ils se démenaient tellement pour faire le bien, les habitants devaient bien se montrer reconnaissants! « Mais...C’est impossible. Vous racontez n’importe quoi! Mes amis ne sont pas recherchés! » « Oh eh, doucement. Je ne fais que te dire c’que j’sais, moi. »  « Oui b-bah- Bah v-vous feriez mieux de vous taire! »

Patchouli est en colère et en proie au doute. Si seulement elle avait pu lire ces affiches dehors. Recroquevillée contre un mur, elle senti le tissu de son vêtement se mouvoir au niveau de sa poitrine. Fève quitta sa cachette, se mit à virevolter et disparu dans le couloir. Même elle l’abandonnait…
Alors son périple s’arrêtait là? Entre ces quatre murs. Dans la solitude. Alors qu’elle se résignait pour la première fois de sa vie, la luciole revient à toute vitesse, illuminer son visage éteint. Dans l’obscurité, elle trace des formes, un charabia illisible que Patchouli comprend sans effort.

Quand on vient lui apporter de quoi se nourrir, elle est allongée, inconsciente au milieu de sa cellule. Le gardien s’approche après lui avoir adressé quelques mots restés sans réponse. Une fois assez près, elle s’attaque à son mollet, lui croquant férocement. Alors qu’il fait tomber l’assiette sous la surprise, elle se redresse en lui délivrant son meilleur coup de tête au niveau de l’entre-jambe. Fève attrape les clefs qu’elle lâche dans ses mains en la survolant. Une fois hors de sa prison, Patchouli referme la porte et enferme le garde à sa place, avant de reculer pour lui tirer la langue. « Désolé...Mais vous l’avez bien cherché! » En pressant le pas, elle se dirige vers le bout du couloir, mais en passant devant la cellule voisine, elle remarque l’ombre dissimulée au fond de celle-ci. Encore une fois, elle ne peut quitter les lieux sereinement en laissant quelqu’un derrière elle.
Patchouli tourne alors la clef dans la serrure et lui offre la liberté. Apparaît alors à la lueur des torches, un homme...bien trop grand! « Tiens? Moi qui pensais t’avoir contrarié. » La mine renfrognée, elle ne trouva rien à rétorquer. Le duo progressa alors dans les cageots, guidé par la petite luciole qui ouvrait la marche, se stoppant net pour se cacher à chaque fois que Patchouli se mettait à briller. « Mais lâchez-moi! V-vous empestez! » Son nouveau camarade, qui reniflait à présent ses fripes, avait pris pour habitude de la dissimuler sous sa cape pour ne pas qu’on remarque cette torche ambulante. L’affront ultime se fit devant une porte verrouillée. D’un coup, il dégrafa la broche qui maintenait le haut de danseuse qu’elle portait encore, lui arrachant un léger cri de surprise par la même occasion. Ce goujat eu même le culot de poser sa main sur sa bouche pour la faire taire. Heureusement qu’elle le vit se servir de cet outil de fortune pour crocheter la serrure, sinon elle l’aurait mordu tout aussi fort que le mollet du garde!

Une fois dehors, leurs chemins se séparèrent. Patchouli devait rejoindre l’auberge où elle était certaine de retrouver ses affaires ainsi que ses...amis. « Tu n'me crois toujours pas, hein? » Elle répondit en secouant vivement la tête de droite à gauche et il eut un léger rictus amusé. « J’m’en doutais. Et à vrai dire, j’dois remercier tes erreurs de jugement...Sans quoi, le voleur que tu vois là, n’aurait jamais réussi à quitter sa cage. » Cette nouvelle venait de la clouer sur place, ses yeux ne pouvaient qu’observer cette ombre s’éloigner et disparaître dans les ruelles. Venait-elle vraiment d’aider un criminel à s’échapper? Oups…

Sans surprise, le trio s’était fait la malle. Ils eurent tout de même la décence de lui laisser son sac plein de bric-à-brac et ses effets, bien dissimulés sous son matelas. C’était bien là, la seule chose dont elle prenait soin…
Au petit matin, un énième problème se posa.

Qu’avait-elle fait de son or?!